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III. Chercher le bien, pratiquer la justice

Alors justement, pour Amos – et cela est valable pour nous aussi – concrètement, «chercher le Seigneur», qu’est-ce? C’est là que les versets 14, 15 et 24 prennent toute leur importance. «Chercher le Seigneur» implique donc «chercher le bien». Le bien, ce n’est pas une philosophie de vie seulement, mais bien plutôt «l’obéissance aux commandements divins, par laquelle l’Israélite remercie son Dieu pour la grâce de l’élection», comme le dit un commentateur allemand, W. Rudolph5. Et comme pour préciser et accentuer ses dires, Amos rajoute l’aspect négatif: «et non le mal», avec pour résultante la même chose qu’aux versets 4-6, à savoir la vie, qui est davantage que l’existence seulement, puisqu’il est aussi question de la présence effective de Dieu au verset 14b, qui contraste avec la présence supposée («comme vous le dites») de Dieu dans les sanctuaires (cf. Am 4.4, 5.5). Nous savons par l’histoire ce que la présence supposée de Dieu avec des gouvernants a pu faire comme ravages (Hitler, l’apartheid en Afrique du Sud, sans parler des kamikazes qui parlent de Dieu en se faisant sauter avec une bombe, mais là il ne s’agit pas du Dieu d’Israël, ni du nôtre…).

Puis Amos accentue encore cette relation au bien et au mal, puisque, en plus de rechercher l’un et non l’autre, il utilise maintenant des termes liés aux sentiments: haïr le mal, aimer le bien. Il y a donc ici, à la fois, l’action (chercher) et les émotions (aimer, haïr), et il nous faut préciser – à la suite d’A. Motyer, un commentateur6 – que l’action précède les émotions: «cherchez» (faites de cette recherche le but de votre vie de tous les jours) avant «aimez». En effet, si nous attendions toujours que les émotions nous poussent à l’action, nous attendrions longtemps, nous dit-il très justement!7

Chercher le bien, aimer le bien, haïr le mal, c’est concrètement administrer correctement la justice pour chacun («établir à la porte le droit», verset 15a, la porte étant le tribunal), c’est «faire jaillir le droit comme de l’eau, et la justice comme un torrent intarissable» (verset 24). Chercher et aimer le bien, c’est pratiquer le droit et la justice, c’est agir pour la justice sociale.

Ainsi, la foi professée dans les prières, les pèlerinages, les chants, bref la vie cultuelle (cf. versets 21-23) ne doit pas, ne peut pas se dissocier de la vie quotidienne. «Cessez de brailler vos cantiques à mes oreilles» (verset 23a, Bible en français courant)! Comme le dit un auteur mennonite, T. Grimsrud, «la fidélité rituelle du peuple (d’Israël) masque une infidélité éthique»8. Voilà pourquoi nous pouvons parler de vrai culte, car le vrai culte que le Seigneur demande, c’est une vie de droiture, de justice, de miséricorde, de compassion pour les petits, de générosité, d’amour du prochain, quel qu’il soit, riche ou pauvre, petit ou grand, Français ou étranger, érudit ou illettré, enfant ou adulte… Comme le dit Motyer, «lorsqu’il appelle le peuple à se soucier de la justice au tribunal (à la porte de la ville), Amos lui donne le devoir de se soucier d’éthique et de bien-être social, de l’amélioration des conditions d’existence, de la protection et de l’approvisionnement des pauvres, des faibles et des exploités»9. Un autre théologien (L.Wisser) ajoute: «La pratique de la justice sociale est donc un élément constitutif de la connaissance de l’Eternel. Est-elle ignorée ou rejetée, c’est la connaissance du Seigneur elle-même qui est amputée ou compromise. La justice sociale est ainsi un élément constitutif en même temps qu’un critère d’une juste relation à Dieu.»10

Le verset 24 d’Amos 5 parle du droit qui doit «ruisseler comme de l’eau», et de la justice qui doit «couler comme un torrent intarissable». Ceci implique à la fois la régularité et l’éternité. En ce qui nous concerne, aujourd’hui, nos vies ruissellent-elles comme de l’eau le droit du Seigneur, sont-elles des torrents intarissables de sa justice?

Notons que, dans le mot «justice» en hébreu tsedaqa, il peut aussi y avoir la notion de pardon, de salut, de miséricorde, d’amour du prochain11.

Oui, tout cela, c’est le vrai culte qui plaît au Seigneur (cf. Le «vrai jeûne auquel le Seigneur prend plaisir», dont parle un autre prophète du VIIIe siècle av. J.-C., Esaïe 58.6-11): c’est du concret, du pratique, du pragmatique, ce ne sont pas que des beaux discours, de la «tchatche», mais du vécu, du palpable! Le vrai culte, c’est la justice et la piété prônées par Amos et valables pour notre société du XXIe siècle apr. J.-C. également.

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