I. Louis Gaussen : une figure emblématique de la théologie évangélique du XIXe siècle à l’influence toujours persistante
Dire de Louis Gaussen (1790-1863) qu’il est une figure emblématique du mouvement évangélique relève presque de l’euphémisme. Si son nom est resté dans l’histoire pour avoir porté des projets d’envergure comme la création de la Société évangélique de Genève en 1830 ou celle de la Faculté de théologie de l’Oratoire en 1832, il est aussi connu pour son combat inlassable en faveur de la pleine inspiration des Ecritures. Outre sa Théopneustie dont l’influence dépassera largement les limites de la francophonie[2], Gaussen a publié de nombreux livres et brochures sur l’autorité des Ecritures et la défense de l’orthodoxie calviniste[3] ou, pour reprendre ses propres termes, « la foi des Réformateurs » qu’il perçoit comme « seule en rapport avec les besoins nouveaux de notre siècle, comme avec les besoins immuables de l’homme ; (…) elle est aussi seule puissante, au temps où nous sommes, pour apporter aux nations agitées et travaillées, la lumière, la paix, la justice, le bonheur et la vraie liberté[4] ». En outre, Gaussen s’est impliqué dans diverses œuvres missionnaires, catéchétiques et philanthropiques[5] ; il a su rassembler autour de lui une équipe d’hébraïsants et d’hellénistes pour une traduction littérale et actualisée de la Bible connue sous le nom de « Version de Lausanne »[6] ; son art oratoire, bien qu’il n’eut pas la puissance dialectique de Monod ni la profondeur psychologique de Vinet, a été salué par ses pairs et même ses détracteurs[7] ; son appartenance à l’aristocratie genevoise[8] et ses réseaux internationaux l’ont naturellement propulsé au cœur du mouvement revivaliste francophone. En bref, Louis Gaussen est l’une des principales chevilles ouvrières du Réveil genevois, qui a essaimé dans l’Europe entière, et il s’est rapidement trouvé à l’interface du mouvement évangélique européen comme peu d’autres francophones ont pu le faire, si ce n’est peut-être Jean-Henri Merle d’Aubigné[9] et César Malan[10].
Par-delà l’envergure et la renommée du personnage, trois points importants militent en faveur du « cas de Louis Gaussen ».